C’est à la Résidence des Pins que se déploient, depuis le 1er septembre, les œuvres de la seconde édition de « Dessine-moi un cèdre ». Organisée par Green Cedar Lebanon, l’exposition, qui ne se visite toutefois que sur catalogue en ligne, Covid-19 oblige, recèle quelques pépites à découvrir absolument.
OLJ / Par Zéna ZALZAL, le 09 septembre 2020 à 00h04
Parce que cet arbre majestueux est l’emblème de notre dignité nationale, parce qu’il est le symbole de la pérennité du Liban face à tous les souffles mauvais (venus du port et d’ailleurs…), le cèdre focalise toutes les inspirations. Aussi bien artistiques qu’humanitaires et solidaires, ou encore, bien évidemment, écologiques et environnementales. Lesquelles se retrouvent toutes réunies dans l’événement « Dessine-moi un cèdre » initié par Green Cedar Lebanon. Cette association, qui s’occupe de reboiser les forêts du Liban, a eu l’idée de demander à des artistes, designers et créatifs libanais de réinterpréter, à travers leur art, cet arbre millénaire pour lever, via la vente de leurs œuvres, des fonds servant à recréer des cédraies dans différentes régions du Liban.
Grâce à la première édition de « Dessine-moi un cèdre », qui avait rassemblé, en mars 2019, au Waterfront Zaitounay Bay à Beyrouth, les peintures, sculptures et photographies d’une soixantaine d’artistes, Green Cedar Lebanon a pu planter, l’an dernier, une forêt de 1 000 cèdres à Kfardebian baptisée « La forêt des artistes ». Et c’est dans le but de créer une autre forêt, à côté de Sannine cette fois, que l’association verte avait prévu de rééditer l’expérience en organisant une seconde édition début 2020. « Comme l’événement coïncidait avec le centenaire de la proclamation de l’État du Grand Liban, nous avions décidé d’élargir la sélection – établie avec l’aide du mécène et assureur d’art Cyril Karaoglan – à une centaine d’artistes et de la présenter, à l’instigation de l’ambassadeur Bruno Foucher, dans le magnifique écrin de la Résidence des Pins », indique Pascale Choueiri Saad, présidente et cofondatrice (avec Lara Debs et Cathie Tyan) de Green Cedar Lebanon. « Malheureusement, poursuit-elle, les divers événements et crises qui se sont succédé depuis octobre 2019 ne nous ont plus permis de réaliser ce projet comme prévu. Nous avons été obligés de le décaler. Et surtout, la tragédie de l’explosion du port le 4 août a changé nos priorités. Nous avons ainsi remis la création d’une cédraie à plus tard pour reverser 50 % des recettes de la vente à la Lebanese Food Bank, au bénéfice des habitants des quartiers sinistrés de la capitale, et de laisser les 50 % restants aux artistes qui ont, eux-mêmes, beaucoup souffert cette dernière année. »
Visite en ligne…
À défaut d’une forêt du centenaire, la seconde édition de « Dessine-moi un cèdre » aura néanmoins déployé, dans les salons de la Résidence des Pins, les talents d’une scène créative libanaise aussi riche que variée. « L’ambassadeur Foucher, ce Libanais de cœur, a tenu à ce que les œuvres soient présentées comme prévu au sein de ce lieu hautement symbolique en ce centenaire, même si, pour cause de Covid-19, il a fallu en limiter l’accès au seul président français, et à la délégation et aux invités qui l’accompagnaient », ajoute Pascale Choueiri Saad. Le public peut néanmoins découvrir l’ensemble des pièces exposées dans le catalogue en ligne disponible sur le site Greencedarlebanon.org
De gauche à droite, des pièces signées Roger Moukarzel et Hania Rayess ; Nada Rizk, Sherine Chayaa, Nada Debs, Anachar Basbous. Photos DR
Dessiné, peint, sculpté…
Un catalogue qui déroule autant de styles et de médiums que d’artistes qui se sont prêtés au jeu de la réinterprétation de notre arbre iconique. De Michel Abboud, Anachar Basbous, Dori Hitti, Sherine Chaya, Marie Munier ou encore Marc Dibeh, qui en ont fait des sculptures et tableaux en pliage de métal hypercontemporains, à Élie Saab qui en a rebrodé les verts branchages sur un sac à main, ou Karoline Lang qui a interprété le roi de nos forêts en cape aussi enveloppante que souveraine… Des représentations relativement classiques de Ghazi Baker et Ginane Makki Bacho aux œuvres plus audacieusement parlantes de Hania Rayess et Roger Moukarzel (une photo barrée d’un « Touche pas à mon cèdre » tracé au néon) et/ou encore de Joe Farah (« Make Your Choice », une pièce en tuyaux de laiton formant deux silhouettes d’arbres, l’une majestueuse et l’autre écrasée…), tous l’ont peint, sculpté, (re) dessiné avec passion.
Il y a ceux qui l’ont serti dans un bijou (Alia Mouzannar), brodé ou tissé (Rabih Keyrouz, Iwan Maktabi), et ceux qui l’ont réinterprété en objet, en meuble (magnifique fauteuil de Nada Debs), en céramique, en luminaire… Il y a ceux qui l’ont décliné en pièces fortes, à porter sur soi ou emporter partout comme un sceau, une empreinte, un talisman, le poinçon d’une « libanité » proclamée à la face de tous les traîtres, les despotes et les destructeurs du pays… Et ceux qui en ont fait le criant emblème de l’enracinement des Libanais sur cette terre (Sandra Sahyoun, Raouf Rifaï) ou encore le subtil, à la fois poignant et lumineux symbole de l’immortalité de ce pays (Najla Hobeich, Vicky Mokbel, Youssef Aoun)…
Il est évidemment impossible d’énumérer l’ensemble des œuvres de qualité de cette exposition à parcourir en mode virtuel. Et qui devrait être suivie, « toujours grâce au soutien de l’ambassadeur Bruno Foucher, mais aussi de l’ambassadeur du Liban en France Rami Adwan », d’une édition spéciale qui se tiendra dans les locaux de l’ambassade du Liban à Paris… Ainsi qu’à Versailles », lance Pascale Choueiri Saad en promettant de plus amples informations une fois le projet entériné…